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20 septembre 2024

Situation nationale : « Au regard de ce qui se passe, on ne sait si on n’est dans un coup d’Etat ou dans une démocratie »

Le 1er février 2022, le décret N° 2022 004/ PRES/MPSR pourtant dissolution des conseils des collectivités territoriales venait de mettre fin aux fonctions des Conseils municipaux et aux fonctions des membres des exécutifs locaux au profit de délégations spéciales au Burkina Faso. Ce même décret en son article 4 mentionnait que : « Les chefs de circonscriptions administratives, territorialement compétents sont chargés de l’expédition des affaires courantes en attendant la mise en place de délégations spéciales ». Dans l’optique de mieux cerner les contours de ce changement au niveau des mairies, nous avons rencontré, Souaibou Laura, un administrateur civil. Agent de l’Etat, Souaibou Laura a servi comme préfet dans la localité de Tansila en 2014. Suite à l’insurrection, il assurera pendant quelques mois la fonction de chef de circonscription administrative dans cette même localité. Avec ce fils de Baraboulé (Soum), il était question de la gestion des collectivités territoriales  par la délégation spéciale, mais aussi de l’actualité nationale.

Depuis le lundi 24 janvier 2022, l’armée a pris le pouvoir au Burkina Faso, quelle est votre réaction face à cette situation ?

Souaibou Laura : ma réaction ne saurait être autre que celle de milliers de Burkinabè. Il faut le dire clair et net que c’est un coup d’Etat militaire qui certainement était souhaité par des Burkinabè, car la situation sécuritaire s’est dessinée chaotique dans les mains du pouvoir MPP. Mais pour ma part, il était question que soit le président Kaboré démissionne de son propre gré ce qui ne serait du goût de son alentour, soit il orchestre son propre coup d’Etat avec les militaires soit le coup d’Etat s’impose à lui.

Aujourd’hui, le changement de régime est consommé, comment entrevoyez-vous la suite ?

La suite, c’est que les auteurs du coup d’Etat qui étaient des acteurs clé sur le terrain des opérations n’auront aucune excuse à demander du temps ni dire au peuple burkinabè qu’ils ne connaissaient pas la teneur de la situation sécuritaire qui prévaut, moins encore mettre sur la table les questions de manque de moyens matériels ou d’un quelconque dysfonctionnement. Et je pense très sincèrement qu’ils réussiront la mission qu’ils se sont donnée.

Paul Henri Damiba, vient d’opérer des changements dans l’armée, quelques jours après sa prise du pouvoir, quelle analyse faites-vous de cela ?

Ces opérations aux sommets des commandements sont logiques, car en tant que commandant de troupes, il a certainement mesuré la portée de son acte en s’appropriant ce coup de force.

Le MPSR a dissout les collectivités territoriales. Attendiez-vous à cette décision ?

Pour cette décision, j’étais presque le seul à se prononcer publiquement sur la question des délégations spéciales pendant que le MPP était toujours aux affaires et aussi dès la prise du pouvoir d’Etat par le Lieutenant-colonel Damiba. Je suis revenu sur la nécessité de la mise en place des délégations spéciales, car le « Lingaa » que les maires ont bénéficié n’avait aucune justification solide. Aussi l’entêtement de la CENI et de la majorité à tenir des élections municipales partielles au Burkina Faso était déplacé, et même osé de la part d’un régime qui avait la charge de la protection de l’intégrité territoriale. Il faut le dire que conformément à l’article 252 de la Loi 055, la délégation spéciale devrait être à l’ordre du jour dès que le mandat des conseillers municipaux s’est expiré face à une équation d’organisation des élections sur l’ensemble du territoire, mais aussi de l’équation de milliers de déplacés à opérer leur choix pour leurs localités d’origines.

Il est question de délégation spéciale. Qu’est-ce qu’une délégation spéciale et comment fonctionne-t-elle ?

Une délégation spéciale n’est rien d’autre qu’un organe légal en remplacement des conseils municipaux. Elle fonctionne sous l’égide des CCA (Chefs de Circonscriptions Administratives) en conformité du décret 2013-431. Il faut ajouter au passage que conforment à l’Article 3 du décret 2013-431, …il y a 2 types de délégations spéciales, la délégation Spéciale Régionale et la délégation spéciale Communale.

Comment se fera l’exécution du budget et le fonctionnement ?

De primes abords le président de la Délégation spéciale devient l’ordonnateur du budget comme l’était le maire. Les actes pris dans le cadre de la Délégation spéciale sont soumis au contrôle de la tutelle. En réalité, la délégation spéciale fonctionne comme le Conseil municipal et elle se réunit en session. Les décisions sont prises par délibération à la majorité de 2/3 de ses membres. Il faut noter qu’actuellement les collectivités ont déjà adopté leur budget et il reste l’exécution donc il faut attendre juin pour élaborer le budget supplémentaire.

Qui contrôle les délégations spéciales ?

La délégation spéciale reste sous le contrôle de la tutelle, c’est-à-dire le ministère en charge de l’administration territoriale.

On a entendu que les PTF ne financent pas les delegations speciales. Est-ce vrai?

De par le passé cela n’a pas été le cas du fait que le processus qui avait été stoppé par une insurrection a vu le rétablissement de la constitution après une suspension éphémère, mais comme le contexte de 2022 est différent de celui de 2014. Alors, je me garde de me prononcer sur la position des Partenaires Financiers et Techniques. Mais tout dépendra de la position et de l’orientation des nouvelles autorités à l’égard des PTF (rires).

Comment est-ce que vous entrevoyez cette transition ?

Du moment où nous sommes toujours dans le concert des nations, il serait inadmissible de voir le Burkina Faso en marge de l’évolution du monde. Cela veut dire que la transition est la juste pour remplacer un gouvernement démocratiquement élu. Cela doit nous permettre d’avoir une certaine marge de diplomatie avec les autres pays. Comme Aristote le disait : « l’homme est un animal politique ». Concernant la charte qui va venir, je ne connais pas que serait la base juridique cette charte, si on demande d’endosser cette charte à des textes ici, on n’en aura pas. C’est pourquoi concernant cette transition et tout ce qui se passe, j’aurais souhaité que ces gens assument pleinement le coup d’Etat. Quitte à mettre une constituante qui va rédiger une nouvelle constitution et on va demander au peuple burkinabè d’apprécier. Et là si cette constitution est adoptée, on tombe directement dans une 5e République. Au regard de ce qui se passe, on ne sait si on n’est dans un coup d’Etat ou dans une démocratie donc difficile de s‘y prononcer.

« L’entêtement de la CENI et de la majorité à tenir des élections municipales partielles au Burkina Faso était déplacé »

Mais combien de temps auriez-vous souhaité que dure cette transition ?

De mon avis, la périodicité de la transition dépendra des maîtres des lieux. Le coup d’Etat se justifie à travers la dégradation de la situation sécuritaire. Donc personne ne sait combien de temps, on va régler cette question. C’est vrai aussi que si on ne donne pas une période claire, les sanctions vont s’en suivre. Le minimum aujourd’hui pour la durée d’une transition de 6 à 18 mois. J’aurais aimé de tout cœur que les nouvelles autorités puissent régler cette question d’insécurité avant de remettre la gestion du pays à un gouvernement démocratique.

Avez-vous quelque à ajoutez pour clore cet entretien

Pour moi, le MPSR est venu pour une mission clé et cette mission, il doit obligatoirement la réussir. Je le dis avec insistance, les nouvelles autorités doivent obligatoirement réussir cette mission.

By Ib_Z

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