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19 septembre 2024

Rachid Barry/Huston (USA) : « La mission de la Transition, c’est de travailler à restaurer l’intégrité physique du territoire et travailler à ce qu’il n’y ait plus un autre MPSR au Burkina Faso »

Le 5 mai 2022, le Conseil des ministres marquait son accord pour la nomination de Rachid Madany Joseph BARRY, en qualité de Consul honoraire du Burkina Faso à Houston, aux Etats-Unis d’Amérique. Avant cette nomination, était délégué au Conseil supérieur des Burkinabè de l’extérieur (CSBE sortant) de la zone sud des USA. Opérateur économique, l’homme relie Huston à Ouagadougou. Il est à la tête d’une entreprise dénommée RMJ Holdings, qui intervient dans la logistique, la fiscalité et divers services aux USA comme au Burkina Faso. Depuis Juillet 2018, il avait la lourde tâche d’être représentant des délégués CSBE des États-Unis, Canada et du Brésil. Rachid Madany Barry est aussi le vice-président de Diafaso, une organisation à but non lucratif de la diaspora Burkinabè ́qui fait de l’accès à l’eau potable en milieux rural son cheval de bataille. Madany est un homme bien introduit dans le milieu des affaires et du développement tant aux USA, en Asie, en Afrique qu’au Burkina, où il a su nouer des partenariats gagnant-gagnant. Présent dans le cadre d’un séjour au Burkina Faso, nous nous sommes entretenus avec lui sur les questions relatives à la vie de nation, à ses nouvelles fonctions de consul et aussi les relations de la diaspora avec le pays natal.   

 

Le Quotidien : Nommé consul honoraire en mai dernier dîtes nous comment ça se passe pour vous en tant que représentant de l’Etat burkinabè à Huston ?

Rachid Madany Barry : cette nomination est un peu une continuité des activités que l’on mène déjà sur le terrain en termes de représentativité avec notre communauté. Cela se traduit aussi par ce que nous essayons d’apporter comme pierre à l’édification de notre pays, le Burkina Faso à travers la multiplication des partenaires économiques et commerciaux. Je dirais que le rôle d’un consul honoraire c’est d’assurer la représentation au niveau de la communauté c’est-à-dire l’organisation administrative à travers l’établissement de certains documents importants tel que les passeports, l’acte de naissance ou tout autre acte juridique ou administratif que les compatriotes auront besoin. Cela leur facilite la tâche parce qu’au lieu de se déplacer vers l’Ambassade à Washington ou au consulat général au niveau de New York. Nous avons aussi la mission d’être présent à diverses activités au niveau de Texas pour montrer la présence du Burkina Faso. Cela pour faire la promotion de notre pays et montrer que les autres doivent aussi compter avec nous. Nous avons aussi pour mission toute autre activité qui peut être demandée par l’administration ou par les communautés à savoir défendre leurs intérêts les assister dans toute autre chose

Étant de la diaspora comment avez-vous accueilli le coup d’état du 24 janvier 2022 ?

On peut dire que l’on a accueilli le coup d’une manière un peu surprenante. Surpris parce que cela a suspendu le processus démocratique. C’est vrai que le pays faisait face à des moments de turbulences et on se disait que les choses n’allaient pas bien et que tout pouvait arriver. Et voilà que les choses sont arrivées. On essaie d’analyser et de regarder quels seraient les futurs grands projets du Burkina et comment est-ce qu’on pourrait revenir à l’ordre constitutionnel et démocratique.

Tout cela se passe à un moment au vous êtes au pays, est-ce à dire que vous avez été consulté par les nouveaux hommes forts du moment ?

 (Rire…) Non je peux vous le dire sans détour que je n’ai pas été approché. Ce qu’il faut savoir, c’est que je suis extrêmement fréquent au pays parce que je suis chef d’entreprises et j’y ai des structures. Cela n’a pas été fait et on regarde les choses en attendant. C’est vrai qu’il y a eu les assises, la prestation de serment et l’investiture, maintenant nous avons un nouveau premier ministre et un gouvernement, on espère que les choses vont aller plus vite parce que c’est aussi ce que les Burkinabè attendent actuellement. Ils souhaiteraient que les nouvelles autorités puissent bien prendre les choses rapidement. Ce qui nous préoccupe actuellement c’est surtout l’intégrité physique du territoire et les reformes au plan économique.

Que pensez-vous des dernières décisions du Conseil Constitutionnel et de la toute récente investiture du Président Damiba

N’étant pas juriste, je ne peux donner mon appréciation de la situation qu’en tant que citoyen. Pour cela, il faut savoir que j’ai eu un petit pincement en voyant l’habillage juridique qui a été donné au coup par le Conseil Constitutionnel. C’est vrai que le coup avait déjà été consommé avec Damiba comme président de la république. Pour moi c’était déjà assez pour diriger la Transition et faire ce qu’il a à faire surtout résoudre les problèmes qui ont motivé le coup et ensuite passer la main à un gouvernement démocratiquement élu. Mais en voyant le Conseil Constitutionnel formaliser ce coup, cela nous a donné un pincement au cœur. Parce que pour moi, ce n’est pas le MPSR le problème, que Dieu nous en garde mais c’est tous les autres coups qui pourraient venir. Comment est-ce que le Conseil Constitutionnel va se comporter, est-ce qu’on va devoir maintenant à chaque fois qu’il y aurait un coup de ce genre, le constitutionnaliser ? C’est ça qui me dérange en fait. Mais en même temps, ce sont des hommes de droits, des hommes d’expériences en la matière donc ils savent ce qu’ils ont fait. Nous donnons notre appréciation basée sur certains fondements démocratiques. Pour moi, le MPSR est arrivé par un coup d’Etat et je pense que la première mission de ce mouvement, c’est de travailler à restaurer l’intégrité physique du territoire et de travailler à ce qu’il n’y ait plus un autre MPSR ou un autre coup d’Eat au Burkina Faso. Si les nouvelles autorités échouent à cela, on aurait reculé d’un grand pas sur le plan démocratique.

Un commentaire sur la démarche du MPSR quant à la mise en place des organes de la Transition

 La première des choses, c’est de savoir qu’il y a une certaine lenteur dans la démarche des nouvelles autorités à mettre en place les institutions que ce soit le gouvernement ou l’Assemblée législative de Transition (ALT). Pour moi l’ALT dans cette situation n’est pas forcement obligatoire, mais bon il a aussi ses forces et ses faiblesses. Maintenant, que l’on a un gouvernement, je pense que les choses iront plus vite et rapidement. Il faut que les nouvelles autorités puissent travailler à rendre le processus démocratique assez clair et transparent et faire en sorte qu’on ait des hommes d’Etat et de vertus à la tête de l’Etat et au niveau des structures au Burkina Faso.

Les chantiers prioritaires ?

C’est un mouvement militaire et il doit s’attaquer d’abord aux questions de la sécurisation du pays, la sauvegarde du pays. Je crois que tous les Burkinabè connaissent et portent ça dans leurs cœurs, ce à quoi les nouvelles autorités doivent s’attaquer d’abord. Ça c’est le premier chantier parce que c’est dans ça qu’ils sont des experts et c’est sur cela que l’on peut automatiquement les juger. La deuxième des choses, c’est que les nouvelles autorités ont une chance parce qu’ils ne sont pas redevables à un certain niveau à des groupes ou à des formations. Au regard de cela, je crois qu’ils ont un certain quitus pour mieux transformer la société burkinabè. Ils ont déjà lancé le processus des audits, cela est très important. Il faut faire les audits au niveau de toutes les structures de l’Etat et même dans l’armée. Il faut donner l’exemple en commençant par l’armée d’abord. Il faut aussi trouver le créneau pour juger tous les dossiers pendants. Les autorités de la Transition doivent passer à une autre vitesse pour mettre fin à la corruption qui est un peu la cheville ouvrière de tout ce qui arrive actuellement.

Vous êtes délégué CSBE dans votre circonscription territoriale. Dites-nous ce que représente un délégué CSBE et quels sont ses attributs ?

Un délégué CSBE est représentant communautaire. C’est une structuration qui est reconnue par l’Etat burkinabè. Il y a environ une centaine de délégués CSBE à travers le monde. Le conseil travaille en étroite collaboration avec les ambassades et le ministère de tutelle. Il travaille à animer la vie communautaire au niveau de sa zone de juridiction et aussi de faire la promotion économique et culturelle du Burkina Faso. Travailler à défendre les intérêts de la communauté en les aidant à respecter les lois et les conventions qui existent dans les pays hôtes.

Est-ce que les délégués CSBE ont été associés dans les travaux des assises ?

En parlant au nom des autres délégués CSBE, je peux vous assurer que nous (délégués CSBE), nous n’avons pas été associés à ces assises. Alors que nous sommes le premier partenaire de l’Etat au niveau de la diaspora. Je pense que cela est à déplorer parce que le président Damiba lorsqu’il a pris la parole pour s’adresser aux Burkinabè, il a parlé des Burkinabè de l’intérieur et de l’extérieur. Je pense que pour une transition de 36 mois, il va de soi que la diaspora soit associée dès le début pour qu’elle puisse voir dans quelle optique, elle peut aussi apporter sa contribution. N’oublions pas que la diaspora burkinabè, c’est le premier partenaire économique du Burkina Faso. Elle n’est donc pas à négliger.

Le modèle de gestion de la Transition ?

Je pense que la charte de la Transition a donné beaucoup de lignes directrices par rapport à cela. Aujourd’hui ce n’est pas quelque chose que l’on peut changer. Ce qu’il faut, c’est juste accompagner. Mais ce que nous demandons à la Transition c’est de gérer le pays avec beaucoup d’intégrité, de patriotisme et de clarté. Que les histoires de corruption et de détournement ne fassent pas retour pendant la Transition. La transition à toutes les cartes possibles aujourd’hui pour remettre le Burkina Faso sur pied. C’est vrai qu’il va falloir prendre des décisions fortes, qui vont certainement frustrer des personnes. Mais cela va contribuer à changer les choses. Et c’est maintenant qu’il faut le faire. Les nouvelles autorités ont le quitus du peuple, donc il faut travailler à ce que nous puissions remonter la pente. Au niveau de la diaspora nous attendons qu’on nous associe véritablement à la gestion des choses. Il y a beaucoup de projets de la diaspora qui sont là pendants, depuis des années. Ce sont des propositions qui ont été faites et qui attendent toujours. Il y a par exemple la banque des experts de la diaspora. C’est une proposition qui a été faite aux autorités burkinabè, il y a de cela quelques années. Depuis lors, nous attendons toujours. Cette banque-là est très importante et il faudrait très vite aller vers sa mise en place afin de permettre à tous les experts de la diaspora de pouvoir venir apporter leur touche à l’édification du pays. Il faut encore plus de réformes pour attirer la diaspora. Il y a déjà des choses qui sont faites certes, mais il faut encore plus d’implications. Parce que quand je vous dis que la diaspora est le premier partenaire économique du Burkina Faso c’est un fait. Seulement que l’investissement que la diaspora fait n’est pas assez quantifiée parce qu’il n’est pas dirigé vers des projets de développement. Cet investissement est plus dirigé dans le social.  C’est bien, c’est beau. Mais il faudrait passer à une autre étape. Il y a les questions de l’industrialisations par exemple. La diaspora burkinabè est pétrie d’expériences, on en trouve un peu partout dans le monde de nos jours. Maintenant, c’est de voir comment est-ce que ces gens peuvent venir capitaliser cela au pays et rediriger leurs investissements pour qu’il y ait une plus-value. Le Burkina Faso est en chantier et tout est à construire.

Votre opinion sur le nouveau gouvernement

 Je pense que le premier gouvernement donne un motif de satisfaction. Je crois que c’est un gouvernement qui est pratiquement plein de technocrates. On ne peut que leur souhaiter beaucoup de courage. Ce sont les actions qui peuvent nous permettre de mieux les juger. On va attendre les actions et je crois que dans quelque mois, on pourra dire quelque chose de substantielle.

Un mois après ce coup de force, il faut reconnaitre que les critiques sont de plus de plus virulentes à certains niveaux. Qu’est-ce qui peut expliquer cela ?

 Cela peut s’expliquer parce que quand vous jeté un regard sur les évènements du 24 janvier 2022, des déclarations qui ont suivies et le temps qui a été pris pour que certaines choses puissent être mises en place sans même exclure l’habillage juridique qui a été donné, tout cela a d’une manière ou d’une autre contribuer à ce qu’il y ait ce genre de critiques. Les gens ont épousé le MPSR depuis le premier jour. Il n’y a pas eu de mouvement de contestations ou de protestations. Cela montre qu’on leur a accordé une confiance aveugle dès les premiers jours. Mais la lenteur dans la mise en place des choses à transformer cette confiance aveugle en une confiance borgne. Les gens commencent à ouvrir un œil pour voir. Ces réactions des populations doivent pousser les gens de la Transition à plus de rigueur et de travail parce qu’on les attend très rapidement au pied du mur.

Nombreux estiment que la place des militaires c’est dans les casernes et que la mission fondamentale du MPSR serait de lutter contre le terrorisme et de passer le pouvoir ensuite aux civils. Êtes-vous d’avis ?

Je ne suis pas entièrement d’accord avec cette prise de position de certaines personnes parce que la gestion de l’Etat ce n’est pas seulement que la sécurité. Elle est un aspect très important certes, mais ce n’est pas le seul. Pendant cette transition, les nouvelles autorités devront faire face à tout cela. Il va falloir travailler au plan économique à pouvoir opérer des changements. Sur le plan social, à refonder l’esprit burkinabè, la morale des Burkinabè. Ça c’est du travail qu’il faut faire et je pense que c’est maintenant qu’il faut le faire. Les militaires et les civils qui ont en charge cette transition, ont la possibilité d’opérer ces changements. Dire que la place des militaires c’est dans les casernes, on peut l’accepter d’une manière ou d’une autre si le jeu démocratique est bien lucide et que chacun joue son rôle, pourquoi pas. Et je pense que cela relève des missions de la transition de travailler à ce que chacun puisse jouer son rôle de là où il est. Si nous avons des hommes d’Etat, des hommes de vertus qui sont de vrais démocrates dans la gestion du pays, je ne pense pas que les militaires voudront encore s’ingérer dans la politique. Ils pourront le faire, mais à conditions qu’ils déposent leurs tenues et de revenir auprès des civils pour faire cela. Il ne faut pas oublier que les militaires sont aussi des civils d’abord. Il faut donc leur permettre de revenir participer au jeu démocratique.

Le Burkina doit revoir les clauses signées avec ses partenaires surtout avec la France. Etes-vous d’avis ?

Sur cette question je suis parfaitement d’accord. Nous ne sommes pas dans un monde unipolaire. Il faut donc la multiplicité des partenaires stratégiques économiques et militaires. Cela y va de soi. Les pays ne doivent pas avoir un seul partenaire. Le Burkina Faso n’est pas lié par le cordon ombilical avec la France. S’il y en a, il faudrait couper ce cordon maintenant. Parce que pour moi, il y a plusieurs types de partenaires, il y a par exemple les USA, l’Allemagne et pourquoi pas le Nigeria. Il faut diversifier les actions de partenariat.

L’actualité est captivée par les événements qui se déroulent actuellement au Mali avec l’annonce du départ de la force Barkhane et Takuba du Mali. Comment décryptez-vous ces contestations sur les plans politique et sécuritaire au Mali et même au Sahel ?

Je crois que le torchon brulait déjà entre Bamako et Paris. On sentait le malaise diplomatique entre ces deux pays. C’est vrai qu’il évoque des disfonctionnements au niveau de l’administration. Mais je crois que c’est plus lié au fait que le Mali est en train de faire un autre choix de partenaire. Si la force Barkhane et Takuba ne peuvent pas aider les Maliens à mettre fin au terrorisme 9 ans après avec la présence des militaires français, ils peuvent passer à un autre partenaire. C’est ça aussi le partenariat. Ce ne sont pas les partenaires extérieurs qui feront la guerre pour nous, c’est d’abord nous. Personne ne viendra défendre ta case à ta place, parce que lui aussi, il a sa case à défendre. Ils ne sont pas là parce qu’ils nous aiment non. C’est du business. Si la France ne peut pas faire leur affaire actuellement, c’est mieux pour eux de passer à autre chose. Le jour qu’elle pourra le faire, elle reviendra.

Les conséquences de ce départ ?

Cela est évident que ces départs auront des impacts. La Base de la force Barkhane à Gao jouait un grand rôle. Je crois que l’Etat malien a pris la mesure de cette action avant. Il a pris du temps certainement pour analyser cela. Ils prendront des mesures adéquates pour combler le vide pour pouvoir assurer une certaine sécurité à la population. J’ose espérer que les choses iront de l’avant.

Votre dernier mot

On va continuer de prier pour qu’il y ait beaucoup plus de sécurité au niveau du Burkina Faso. Que cette guerre que nous menons depuis plus de 7 ans puisse avoir enfin un dénouement. On sait que cette guerre ne finira pas du jour au lendemain parce c’est une guerre asymétrique comporte beaucoup d’aspects qui rentrent en jeu dont les aspects sociaux, économiques et culturels. Donc ce n’est pas une guerre conventionnelle. C’est une guerre qui peut prendre du temps parce qu’il y a eu tout un endoctrinement qui a été fait. Il faut penser à tout cela. Donc c’est prier pour plus de sécurité, prier pour nos autorités. Parce que c’est le moment ou jamais.

By Ib_Z

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