Dans un arrêté du ministère de l’Economie, des Finances et de la Prospective, publié le 25 janvier 2023, il est stipulé que la contribution au Fonds de soutien patriotique doit être acquittée par le consommateur final lors de l’achat de produits, lors de leur mise en consommation ou lors de leur mise à disposition gratuite. Conformément à cet arrêté, les brasseries locales et les industries du tabac sont chargées de collecter cette contribution sur les ventes réalisées auprès des distributeurs, ainsi que sur leurs autoconsommations. Face à cette mesure, des préoccupations ont émergé quant à l’utilisation des fonds ainsi collectés. Plus de dix mois après la mise en application de cette mesure, nous avons eu l’opportunité de discuter avec le Secrétaire général du Syndicat national des grossistes de boissons au Burkina Faso. Dans cette interview, nous avons abordé les évaluations et les opinions du syndicat concernant la mise en œuvre de cette mesure. Sur ce point, Ahmed Ouédraogo s’est montré relativement rassurant, déclarant que « le travail effectué sur le terrain est particulièrement louable ».
Cela fait pratiquement un an qu’a été instauré le prélèvement du fonds de soutien patriotique sur la boisson au Burkina. Comment appréciez-vous le déroulement de l’activité, vu que vous en êtes au cœur ?
Ahmed Ouédraogo : Nous constatons avec satisfaction que le travail réalisé est globalement très appréciable. Un sentiment d’assurance semble s’installer dans l’esprit des Burkinabè, en particulier parmi les déplacés, dont certains sont en train de retourner dans leurs localités d’origine. Nous sommes fiers des efforts déployés sur le terrain et encourageons vivement le gouvernement à maintenir sa concentration sur les objectifs initiaux, dans le but de rétablir la paix de manière durable.
Au départ de l’opération vous avez émis une inquiétude relative à l’utilisation à bon escient de ce fonds. Pouvons-nous dire aujourd’hui que vous êtes rassurés ou du moins satisfaits de la conduite des choses ?
Nous exprimons notre entière satisfaction, sans aucun doute. Le travail accompli sur le terrain est particulièrement louable. Qu’y a-t-il de plus à dire ? Nous sommes convaincus que les fonds sont utilisés de manière judicieuse et que les conditions s’amélioreront davantage dans les jours à venir.
Vous êtes confiants, est-ce que cela sous entends que vous arrivez à desservir les provinces comme cela se faisait avant ?
On ne peut pas dire que tout soit parfait, mais il est indéniable que les conditions s’améliorent de plus en plus. Un exemple concret, est l’amélioration de la durée de trajet du convoi sur l’axe Kaya-Dori qui prenait autrefois beaucoup plus de temps pour atteindre les différentes localités. Aujourd’hui, grâce aux efforts déployés sur le terrain, le convoi ne traîne plus comme auparavant, démontrant l’engagement sérieux des autorités envers leur travail. De plus, il est important de noter que des zones autrefois inaccessibles sont désormais accessibles sans problème pour nos camions. Ces améliorations renforcent notre sentiment d’une nette progression en matière de sécurité.
Es-ce que de manière directe ou indirecte vous ou certains membres de votre syndicat ont été des victimes collatérales de la situation ?
Certes, en effet, dans la région de l’Est, nos camions ont été attaqués. Des terroristes ont pris d’assaut nos véhicules sur la route de Fada. Ce jour-là, nous avons eu la chance que seuls nos emballages ont été récupérés, sans toucher au chauffeur ni au véhicule. De plus, plusieurs établissements ont subi d’importantes pertes sur l’axe Kaya-Dori. Certains véhicules ont même été incendiés avec des stocks de boissons.
Est-ce que vous avez pu évaluer ces pertes et que disent les autorités ?
En ce qui me concerne, je n’ai pas encore entrepris cette démarche. Je ne suis pas informé non plus de la réalisation de cette procédure par d’autres personnes. Face à la situation actuelle, nous avons préféré adopter une attitude prudente. Il s’agit d’une situation indépendante de la volonté de l’Etat, alors pourquoi envenimer les choses davantage alors qu’elles sont déjà compliquées ? L’État fait face à des difficultés financières pour financer la guerre, alors pourquoi ajouter des complications supplémentaires ? A mon avis, c’est inopportun. Peut-être que cette démarche sera envisagée ultérieurement, mais pour le moment, ce n’est pas le cas. Nous avons évalué l’ampleur des dégâts, et il est nécessaire de souligner qu’ils sont considérables.
« Sous le poids de l’effort de paix et les impôts, les grossistes sont en train de souffrir énormément »
En plus de la collecte qui est faite qu’est-ce que votre syndicat fait de plus pour accompagner les autorités à venir à bout de cette situation ?
Individuellement et collectivement, nous contribuons à l’effort de paix en faisant des dons de toutes sortes pour accompagner les autorités. Il est important de souligner que nous faisons preuve d’une grande empathie. Dans le processus de collecte de fonds mis en place au niveau de l’usine de boissons, nous sommes les véritables acteurs. Ce que beaucoup ne réalisent pas, c’est que les emballages sont des articles fragiles. Ainsi, lorsque nous prenons les boissons depuis l’usine, cela signifie que nous avons déjà réglé le montant dû. En cas d’incidents tels que des attaques ou des incendies, le responsable de la cave assume la responsabilité. Les camions qui ont, par exemple, été interceptés en brousse et incendiés sont à la charge du responsable de la cave. Il est important de noter que sur chaque chargement, nous déboursons environ 1 700 000 F CFA, un montant que nous ne pouvons réclamer nulle part. Bien que la SODIBO participe, il est nécessaire de reconnaître que les pertes que nous subissons à notre niveau sont considérables.
Comment cela se passe avec les employés si toutefois il y a des sinistres de ce genre ?
On est obligé de faire avec. Nous sommes obligés si on ne veut pas plier l’échine de trouver un autre camion pour donner au chauffeur pour lui permettre de continuer. Nous faisons l’effort pour pouvoir maintenir le cap parce qu’on estime que ce n’est la faute à personne et que le terminus, c’est pour bientôt.
Vous venez là de relever de nombreuses difficultés qui minent ce secteur d’activités avec la crise. Si vous avez la possibilité d’échanger avec le président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré, quel message allez-vous lui transmettre ?
Il faut reconnaitre que malgré tout, ils font des efforts pour ramener la paix et la quiétude dans le pays. Donc pour moi ce sont des messages de félicitations que je vais lui adresser et lui demander de porter un regard sur notre situation parce que notre activité est en train de sombrer. Sous le poids de l’effort de paix et les impôts, les grossistes sont en train de souffrir énormément. Nous avons tellement écrit aux autorités et c’est sans suite.
Est-ce possible d’avoir une idée sur la baisse des chiffres d’affaires ?
Il faut dire qu’ici, c’est plutôt la baisse de la marge. En effet, bien que nous continuions à vendre, les conditions ont changé. Des systèmes ont été mis en place, entraînant une baisse considérable de nos marges. Actuellement, tous les distributeurs font face à des défis similaires.
Avez-vous quelques choses à ajouter pour clore cet entretien ?
J’ai un message à l’endroit des autorités de la transition. Je les invite à envisager des mesures d’accompagnement afin de prévenir le déclin de notre activité. Actuellement, nous rencontrons des difficultés à maintenir notre position sur le marché. Pourquoi ne pas nous accorder les mêmes opportunités qu’aux acteurs du secteur des hydrocarbures ? Par exemple, la fixation d’un prix plancher, en tenant compte des recommandations de la SODIBO, pourrait grandement contribuer à notre stabilité. Si les autorités peuvent nous assister dans l’application de ce prix, cela serait d’une aide précieuse. Nous tenons à exprimer notre reconnaissance envers le gouvernement pour ses efforts visant le retour à la paix et la restauration de l’intégrité territoriale.