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16 septembre 2024

Côte d’Ivoire : la filière coton en crise

Des employés d’une usine de Korhogo mis au chômage technique

Un vent de mis en chômage technique souffle actuellement sur le personnel de Cotraf, usine de trituration des graines de coton de Korhogo. 280 employés sont déjà touchés et 132 autres sont sous la menace.

La filière coton ivoirienne traverse actuellement une crise sans précédent. En effet, la Cotraf, industrie de trituration des graines de coton et de raffinage d’huiles végétales installée en 2014 à Korhogo a été contrainte de mettre au chômage technique plus de 280 employés permanents. La situation risque de s’aggraver, car 132 autres employés permanents subiront le même sort à la fin du mois de mai.

Une mesure transitoire redoutée…

Et pourtant, la construction de cette usine avait suscité beaucoup d’espoir dans la Région du Poro. En effet, près de 5170 emplois ont été créés après la mise en production de l’usine. Mais depuis fin février 2023, l’usine est à l’arrêt et plusieurs employés sont sur le carreau. ‘’On a commencé à sentir cela en début décembre 2022. Le contrat d’une cinquantaine de personnes qui étaient en CDD n’a pas été renouvelé’’, nous a confié un employé de l’usine, lors de notre séjour à Korhogo.

Il faut ajouter à ces premières victimes, les 1200 journaliers. La crise étant persistante, les responsables de l’entreprise ont pris, à leur corps défendant, des mesures transitoires.

« Je prie Dieu pour que la situation change »

Mais la mise au chômage technique des employés qui était censée être une mesure transitoire, risque de s’éterniser, ce qui aggrave la situation des employés et de leurs familles. Les victimes sont dans le désarroi. C’est le cas de Djè Konan Stéphane, soudeur dans la société, Soro Maman, employée au service conditionnement, et Soro Soripélé Ernest, employé à la savonnerie.

Veuve depuis 5 ans, Soro Maman arrivait jusque-là à subvenir aux besoins de ses 6 enfants dont 4 scolarisés. « Je prie Dieu pour que la situation change », a-t-elle dit au bord des larmes.

Les jassides et la mauvaise répartition identifiés comme cause

Les causes profondes de ces différents départs et mise au chômage technique sont connues. Il s’agit de la baisse de la production de la graine de coton provoquée par les jassides et de la mauvaise répartition des graines de coton.

Les jassides, des insectes de petite taille qui piquent les feuilles des cotonniers pour en aspirer la sève, sont la principale cause de la baisse de la production de la graine de coton dans le bassin cotonnier. Pour lutter contre ce fléau, le Conseil coton anacarde et l’Intercoton ont organisé, du 16 au 20 avril 2023, une mission de sensibilisation et de remobilisation des producteurs pour poser les bases d’une production cotonnière durable lors de la prochaine campagne.

La production nationale de coton graine a chuté de 50% par rapport à celle de la campagne précédente.

Cette année, la production nationale de coton graine a chuté de 50% par rapport à celle de la campagne précédente qui était de 539 623 tonnes. La production de la campagne 2022-2023 se chiffre à 236 175 tonnes à fin mars. Soit une perte de 334 250 tonnes par rapport aux prévisions révisées de juillet 2022.

Dans le Béré, le directeur général du Conseil coton anacarde, Dr Adama Coulibaly, a rassuré les producteurs. ‘’Avec les chercheurs, nous sommes sûrs que nous allons vaincre les jassides parce que nous sommes débout pour les combattre’’, leur a-t-il expliqué.

L’huile brute prend la direction des pays limitrophes

La deuxième cause est relative à la mauvaise répartition des graines de coton. Elle fait suite à l’installation de petites unités artisanales dans la Région. Elles sont environ 120 et produisent l’huile brute qu’elles devaient vendre à la Cotraf comme convenu. Curieusement, l’huile brute prend la direction des pays limitrophes, notamment le Mali.

L’usine Cotraf d’une capacité de production de 380 000 tonnes de graines de coton par an, n’a reçu que 23 000 tonnes sur les 40 000 qu’elle devrait recevoir selon le partage, alors que les petites unités artisanales en ont reçu 80 000.

L’Etat décide, mais des égraineurs ne respectent pas ces décisions

‘’Si le gouvernement ne met pas de l’ordre dans la filière, on va tuer l’industrie’’, affirme une source dans la Poro qui ajoute que les décisions du Conseil coton anacarde ne sont pas forcément respectées par les égreneurs : ‘’L’Etat décide, mais des égraineurs ne respectent pas ces décisions’’.

Pour préserver les emplois à Cotraf, un comité de crise regroupant les délégués du personnel et les délégués syndicaux a été mis en place, dirigé par Gbon Coulibaly Abdoulaye. Dans la matinée du mardi 25 avril 2023, ce comité a tenu une importante réunion pour tenter de trouver des solutions face à la menace qui plane sur le personnel.

‘’Nous vivons actuellement une situation déplorable. Nous sommes en manque d’une quantité de la graine de coton qui pouvait faire tourner l’usine sur 12 mois. Malheureusement, nous avons reçu une quantité qui nous a fait tourner que sur 2 mois’’, a confié Gbon Coulibaly Abdoulaye

Il en a profité pour interpeller les autorités. ‘’Nous avons perdu Amadou Gon Coulibaly qui avait beaucoup misé sur cette usine pour résorber le problème du chômage dans le Poro. Nous souhaitons que les autorités se penchent sur le cas de cette entreprise dont la présence a suscité tant d’espoir’’, a-t-il conclu.

By Ib_Z

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