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19 septembre 2024

Sibouré Guinko : « Un promoteur immobilier qui ne dispose pas d’une autorisation de lotir et d’un titre foncier principal ne peut pas obtenir des titres fonciers pour ses clients »

Le Burkina Faso pays enclavé au cœur de l’Afrique, fait face à une pression démographique sans précédent. Celle-ci s’exerce principalement autour des grandes villes qui subissent les affres d’un taux de natalité assez élevé. Aussi au fil des années, la terre a acquis une grande valeur marchande et cela a favorisé l’essor des activités d’une pléthore de sociétés immobilières et de spéculateurs fonciers informels créant ainsi une ruée foncière. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le vivre ensemble des populations. Dans la dynamique de mieux cerner les tenants et aboutissants d’un tel phénomène nous avons eu un entretien avec Sibouré Guinko, inspecteur du cadastre. Sibouré Guinko est géomètre expert agréé et assermenté. Il est également expert immobilier et foncier. Chef d’entreprise, Sibouré Guinko, est à la tête de deux entreprises dont Génifoncier SA qui exerce dans le domaine de la promotion et de l’expertise immobilière agréé et GeniTopo, un cabinet de géomètre expert agréé et assermenté. Sur le plan social, l’homme est le chef coutumier du village de Lergo, une localité relevant de la commune rurale de Garango. Pour cet homme nanti d’information sur les questions foncières au Burkina Faso, la question foncière ne doit pas être perçue comme une « bombe », mais plutôt un grand défi à relever.

Sibouré Guinko, l’homme est le chef coutumier du village de Lergo, une localité relevant de la commune rurale de Garango

Comment est-ce que vous concevez la problématique liée au foncier au Burkina Faso ? 

Sibouré Guinko : Pour moi, il y a de nombreux défis à relever dans le domaine du foncier au Burkina Faso. Dans ce secteur, il y a de très grands défis à relever. Je préfère employer le terme défis à la place du terme problème, vue sous l’angle de défis à relever les problèmes trouvent toujours facilement des solutions. D’aucuns vont jusqu’à qualifier la situation de bombe foncière, je n’aime pas également utiliser cette expression « bombe » pour qualifier la situation du foncier au Burkina Faso. Ce n’est une bombe puisque nous avons des solutions à portée de main pour régler cette situation.

Dites-nous, de nos jours à qui appartient la terre sur le plan législatif au Burkina ?

La loi 034-2012/AN portant réorganisation agraire et foncière au Burkina Faso, qui est la loi mère en vigueur en matière foncière, reconnait trois types de propriétaires, et un seul gestionnaire unique de ces terres baptisées Domaine Foncier National. Ces trois propriétaires sont l’Etat, les collectivités territoriales et les particuliers. On a ainsi le domaine foncier de l’Etat, le domaine foncier des collectivités et le patrimoine des particuliers. Par particuliers, il faut entendre des personnes physiques ou morales privées qui possèdent des terres au Burkina Faso.

« L’Etat à travers son bras technique qu’est la Direction générale des impôts reste le maître incontestable de la bonne gestion du foncier au Burkina Faso »

Quant à l’organisation de la gestion de ce patrimoine commun, la loi l’a confiée à l’Etat en tant que garant de l’intérêt général. Par organisation de la gestion, il faut entendre par mécanismes mises en place par l’Etat pour protéger, organiser l’exploitation et l’occupation de ce patrimoine qui constitue un bien commun à tous dans l’intérêt de tous. En sommes aujourd’hui, l’Etat partage la propriété des terres au Burkina avec deux autres acteurs que sont les collectivités territoriales et les particuliers. Il faut souligner qu’il n’a pas toujours été le cas depuis l’accession du pays à l’indépendance. Sous la Révolution par exemple, les terres étaient la propriété exclusive de l’Etat, la terre appartient en quelque sorte à celui qui l’exploite avec un droit d’usage. C’est ainsi que sous la révolution des titres fonciers ont été totalement annulés pour consacrer la propriété exclusive de l’Etat. Après la révolution, à la faveur de nouvelles réformes, ces titres fonciers seront rétablis consacrant de facto la reconnaissance de la propriété des particuliers. Pour reconnaitre les limites et individualiser ces différentes propriétés, la loi a prévu que toutes ces terres soient immatriculées. Dans les faits, l’immatriculation se fait toujours attendre, les limites juridiques de ces terres ne sont pas toujours toutes connues.

Dans cette gestion entre ces 3 entités, les collectivités et les particuliers ont-ils le même niveau des gestions de l’Etat ou c’est l’Etat qui mène la barque ?

La loi considère la terre comme un patrimoine commun, et donc l’Etat en tant que garant de l’intérêt général a la responsabilité de l’organisation de la gestion conformément aux principes énoncés par l’article 3 de la RAF, notamment les principes de bonne gouvernance, de cohésion économique et sociale, de développement durable etc…. La loi à défini des modes et des structures de gestions qui sont propres à chaque domaine. Mais globalement, il s’agit d’organiser la protection, l’occupation, l’exploitation et la délivrance des titres d’occupations sur ces différentes terres. En ce qui concerne les structures de gestion, le service des domaines et de la publicité foncière à la Direction générale des impôts demeure la plus sollicitée quand il s’agit de l’accomplissement des différentes formalités relatives à cette gestion. C’est dans ces services que la quasi-totalité des demandes de titres d’occupations sont reçus, instruits et soumis à la signature de l’autorité compétente. On peut donc dire que l’Etat à travers son bras technique qu’est la Direction générale des impôts reste le maître incontestable de la bonne gestion du foncier au Burkina Faso.

Quand on parle de propriétaire de terre qu’est-ce que cela sous-entend ?

 Au Burkina Faso, quand on parle de propriétaires des terres, tout de suite on voit tous ceux qui détiennent des titres d’occupations tels que défini par les textes en vigueur. La liste de ces titres d’occupations est exhaustivement citée par la loi. Dans les faits la grande partie des terres ne dispose d’aucun de ces titres. Ces terres ce sont celles de l’Etat, celles des collectivités territoriales définies par la loi mais non encore immatriculées, ce sont aussi les terres des communautés au village.  Mais globalement on a donc deux types de propriétaires selon les critères de la légalité, des propriétaires qui ont des documents légaux de leurs terres et des propriétaires sans documents mais qui ne sont pas moins propriétaires de leur terre en vertu des us et coutumes du village. Toujours sous l’angle du titulaire du droit, on a également de deux types de propriétaires, des propriétés privées individuelles et des propriétés privées collectives. Les titres d’occupations actuels consacrent la propriété privée individuelle alors dans nos villages, selon la plupart des coutumes, les terres appartiennent à la communauté et donc relève d’une propriété privée collective. Vu les intérêts en jeu, des solutions idoines doivent donc être rapidement trouvées pour prendre en compte nos réalités socioculturelles foncières.

Quel doit être le rôle des maires et des chefs de terre dans la gestion des terres ?

Les maires interviennent dans la gestion du foncier à travers le service domanial ou le service foncier rural de la collectivité. Ils interviennent pour la délivrance des titres de jouissances (PUH, Permis d’exploiter…), ils interviennent également pour les demandes de terrains dans les zones aménagées ou en hors lotissement. Les maires jouent également un grand rôle pour les demandes de changements de destination de terrains et de réserves administratives…. C’est aussi à eux qu’incombe l’immatriculation des terres du domaine foncier des collectivisés. Nous avons dit plus haut, que la grande partie des terres des villages sont des propriétés privées collectives, c’est dire que les terres d’un village n’appartiennent ni aux chefs coutumiers, ni aux chefs de terre, elles appartiennent à des groupes de familles. La famille du chef peut avoir ses terres, il en est de même de la famille du chef de terre. Pour le cas du chef de terre, il est le garant des rites et sacrifices autour des terres du village, mais il n’est pas le propriétaire de toutes ces terres. Dans la plupart des villages, les terres sont gérées par les autorités coutumières suivant les règles de la communauté, des us et coutumes. Les terres peuvent être prêtées à qui veut l’exploiter. L’exploitant est informé qu’il dispose seulement d’un permis d’occuper coutumier précaire et révocable à tout moment. La famille prêteuse demeure propriétaire de ces terres quelque soit le nombre d’années que l’exploitant va passer sur les terres. Voilà pourquoi dans certaines localités ici au Burkina Faso, quand on vous donne des terres à exploiter, les coutumes interdisent strictement de faire un puits, de planter des arbres, bref vous ne devez pas réaliser des investissements permanents et définitifs, puisque la terre ne vous appartient pas, vous avez juste un permis d’occuper coutumier précaire et révocable sans indemnité.

« Les activités de ces commerçants de non lotis prospèrent aussi parce qu’ils ont des prix nettement abordables par rapport aux prix pratiqués par les promoteurs immobiliers dit agrées »

Selon vous combien d’agences immobilières existent sur le territoire burkinabè ?

 Selon une liste du ministère en charge de l’habitat, une liste non authentifiée qui circulent sur les réseaux sociaux, il aurait environ 275 sociétés de promotions immobilières agréées au Burkina Faso. En marge de cette liste, sur le terrain, vous avez des promoteurs immobiliers de fait qui exercent sans aucun agrément. Ceux-là ça va être difficile de connaitre leur nombre avec précision.

Quelle est votre analyse sur ce boom des agences immobilières au Burkina Faso ?

 D’emblée, on pourrait dire que c’est une bonne chose pour l’économie, car on aura plus d’impôts a récoltés pour les caisses de l’Etat, plus d’emplois seront créés contribuant ainsi à réduire le chômage, plus d’offres de logements au profit des populations. En sommes, le boom des agences immobilières devrait être une aubaine pour l’économie burkinabè. Maintenant, dans les faits, c’est loin d’être le cas, ce boom immobilier a entrainé aussi un boom des conflits fonciers. A qui la faute, propriétaires terriens, promoteurs immobiliers, autorités en charge de la question foncière, tous s’accusent mutuellement. Ce qui est certain est que ce boom immobilier n’a pas donné les résultats attendus qui est d’améliorer la quantité et la qualité de l’offre en logements.

Comment est-ce que les promoteurs immobiliers de fait arrivent-ils à travailler alors qu’ils n’ont pas d’autorisation pour exercer ?

Les promoteurs immobiliers de fait arrivent à travailler parce que l’activité n’est pas bien encadrée et la population n’est pas bien renseignée. Un peu partout autour des villes, des gens sans être promoteur immobilier agréé, morcellent des terrains, dégagent des parcelles dites « non loties » et procèdent à la commercialisation sans être inquiétés. Il arrive souvent qu’ils construisent des logements témoins pour attirer et accélérer la vente de ces « non loties ».  C’est pour dire qu’ils ne se cachent pas du tout pour mener cette activité. Pourquoi on les laisse continuer, ceci reste la question ? Les activités de ces commerçants de « non loties » prospèrent aussi parce qu’ils ont des clients qui savent que ces « non loties » n’ont pas de document mais ils achètent quand même, justement parce que les prix sont nettement abordables par rapport aux prix pratiqués par les promoteurs immobiliers dit agréés. Il faut aussi souligner que ce ne sont pas seulement les promoteurs de fait qui travaillent dans l’illégalité parce que ne disposant pas d’un agrément leur autorisant l’exercice légal de l’activité de promotion immobilière. Il y a aussi des promoteurs immobiliers dument agréés qui travaillent sans les autorisations requises. Selon les textes en vigueur pour exercer valablement l’activité de promotion immobilière, le promoteur immobilier doit obtenir les autorisations suivantes :

– un arrêté portant octroi agrément pour l’exercice de l’activité de promotion immobilière et foncière

-un arrêté portant approbation de projet immobilier

-un arrêté conjoint portant autorisation de lotir

-un titre foncier sur le site du projet immobilier délivré à cet effet.

Il s’en suit qu’un promoteur immobilier même agrée qui travaille sans ces autorisations est aussi dans l’illégalité. Il ne pourra pas non plus délivrer les titres prévus par les textes en vigueur aux acquéreurs des biens immobiliers issus de ces projets immobiliers. Ces parcelles dégagées dans ces conditions n’ont pas de papier. Comment les populations peuvent-elles faire la différence entre ces parcelles et les « non loties » proposées par les commerçants, promoteurs immobiliers de fait.

Comment se fait-il que dans le processus d’acquisition, les agences n’arrivent pas donner des titres de propriété aux acquéreurs ?

Effectivement, la loi prévoit que des titres fonciers soient délivrés aux acquéreurs de biens immobiliers issus de promotion immobilière. Mais dans la pratique la plupart des promoteurs immobiliers délivrent des attestations provisoires d’attributions. Pourquoi ? Les titres fonciers à délivrer aux acquéreurs sont issus du morcellement du titre foncier principal du site du projet immobilier après l’obtention d’une autorisation de lotir. En sommes pour espérer avoir des titres fonciers pour ses clients, le promoteur immobilier doit obtenir non seulement le titre foncier principal de la zone mais aussi une autorisation de lotir qui lui permet de faire réaliser et valider le plan d’aménagement ou de lotissement, d’implanter le parcellaire, de faire borner individuellement chacune des parcelles à céder à l’acquéreur avec son titre foncier. En résumé, un promoteur immobilier qui ne dispose pas d’une autorisation de lotir et d’un titre foncier principal ne peut pas obtenir des titres fonciers pour ses clients. Et sans titre foncier les structures de financements accompagnent difficilement le promoteur immobilier dans son projet immobilier qui pourtant nécessite de gros investissements si le promoteur veut offrir des logements de qualité et en quantité sur un site entièrement viabilisé. Sans titre foncier, le client qui souhaite s’engager pour l’achat d’un bien immobilier obtient aussi difficilement l’accompagnement de la banque. Sans titre foncier, le promoteur et l’acquéreur doivent travailler avec du cash sur fond propre pour espérer réaliser chacun son projet. Et ce n’est pas toujours évident

« L’administration doit communiquer pour orienter les populations désirant acquérir des biens immobiliers en publiant périodiquement la liste des projets immobiliers à jour vis-à-vis des textes en vigueur »

Comment selon-vous peut-on palier cette situation ?

Pour parvenir à obtenir des titres fonciers aux acquéreurs, les promoteurs immobiliers doivent travailler à obtenir de l’administration toutes les autorisations nécessaires. Aussi, l’administration doit être diligente dans le traitement des dossiers. Des délais de traitement de dossiers doivent être prévus pour éviter toute dérive. L’administration doit communiquer pour orienter les populations désirant acquérir des biens immobiliers en publiant périodiquement la liste des projets immobiliers à jour vis-à-vis des textes en vigueur. Ailleurs comme en Côte d’Ivoire cela se fait, pourquoi pas chez nous au Burkina. Un tel communiqué aura le double avantage de protéger les populations acquéreuses de biens immobiliers, de protéger les partenaires techniques et financiers qui seront disposés à accompagner le promoteur immobilier pour la réalisation des logements au profit des populations. Il est aussi nécessaire que les populations acquéreuses des biens immobiliers développent le reflexe de recourir à l’administration pour avoir la bonne information sur un projet immobilier avant de s’engager.

Pour éviter toutes ces histoires et si l’Etat lui-même devenait promoteur immobilier comme cela était sous la Révolution ?

L’Etat est déjà dans la promotion immobilière à travers les sociétés d’Etat comme la SONATUR, la CEGECI. C’est aussi vrai que l’Etat n’a plus l’exclusivité de l’activité de la promotion immobilière puisque nous avons fait l’option d’ouvrir la promotion immobilière aux sociétés privées. Mais est-ce le statut public ou privé du promoteur immobilier qui est à la base des problèmes. A mon avis, non. Pour moi, c’est plutôt une question du respect des textes par les acteurs de la chaine immobilière et foncière. Vous savez, les projets immobiliers pilotés par l’Etat ou les collectivités territoriales ne sont pas exemptes d’irrégularités. Des lotissements ont été faits par l’Etat ou la collectivité et remise en cause des années plus tard par des propriétaires terriens parce que les procédures en la matière n’ont pas été respectées. C’est l’exemple de l’affaire judicaire du lotissement de Tingandogo qui a fait la une des journaux récemment. Vous avez plein d’autres exemples de lotissement à problème. Pour éviter tous ces problèmes, la solution c’est de travailler à respecter ou à faire respecter scrupuleusement les procédures prévues par les textes en vigueur en matière de promotion immobilière et foncière indifféremment du statut de celui exerce l’activité. Qu’on soit promoteur immobilier privé ou public, la loi est la même pour tous.  Mieux les structures publiques immobilières doivent donner l’exemple afin de tirer le privé par le haut.

Qu’en est-il de la nouvelle réforme agraire et foncière ?

Juste avant la transition, des réformes ont été entreprises par les autorités pour orienter l’activité de promotion immobilière et foncière, pour faire autrement les choses afin d’éviter les dérives constatées par applications des textes précédents. Il s’agirait de dissocier l’activité de promotion foncière de l’activité de promotion immobilière. L’activité de promotion foncière, c’est-à-dire le lotissement proprement dit des terres, serait réservée exclusivement à l’Etat et l’activité de promotion immobilière, entendu constructions des logements, laissée aux mains des promoteurs privés. A la faveur de cette relecture proposée au nom de l’intérêt général, des décrets et lois était en cours d’adoption avant que la transition ne vienne suspendre les choses. La question qui se pose maintenant est de savoir si les nouvelles autorités vont continuer avec la réforme telle que proposée ou non ? A mon avis, pour relever les défis au niveau de la promotion immobilière, des textes doivent effectivement êtres adoptés pour corriger les insuffisances des textes précédents.  Il s’agit d’amener les différents acteurs de gré ou de force à respecter les textes en proposant des textes clairs et applicables et des sanctions appropriées et dissuasives en cas de violation de ces textes. Pour le reste, il est évident que la promotion immobilière et foncière telle que définie et pratiquée actuellement est assez lourde et complexe et demande des moyens financiers colossaux. Un seul promoteur détient en réalité entre ses mains deux agréments celui de faire du lotissement et de la viabilisation, agrément de promotion foncière, et celui de réaliser des constructions, agrément de promotion immobilière. Ce qui n’est pas évident pour une seule société de mobiliser assez de ressources pour mener convenablement à la fois ces deux activités réunies en une seule. Encore une fois, comparaison n’est pas raison, dans les pays voisins comme la Côte d’Ivoire, les réformes ont consisté à créer deux agréments privés, un agrément de promotion immobilière pour la construction des logements et un agrément d’aménageur foncier, pour le lotissement, la viabilisation. Les deux activités sont toutes exercées par des sociétés privés, l’Etat n’intervient que pour règlementer et encadrer les deux activités. Je pense qu’on pourrait s’en inspirer.

« Les projets immobiliers pilotés par l’Etat ou les collectivités territoriales ne sont pas exempts d’irrégularités ».

Quelle est votre analyse sur la question de l’agrobusiness et le foncier ?  

A priori l’agrobusiness est à encourager parce que producteur de richesse pour le pays. Si elle consiste à prendre des terres, les mettre en valeur, les exploiter comme ferme, champs agricoles, sylvicoles souvent à grande échelle avec de bons rendements, on ne peut que féliciter les acteurs. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas, quelques personnes ont trouvé à travers cette activité une occasion de s’approprier sans grand frais les terres des villageois avec des promesses de mise en valeur. Certains sont juste dans la spéculation dans le but de mettre leurs progénitures à l’abri des besoins. Certains villageois ont souvent été victimes de leur gentillesse et de leurs hospitalités. Contre juste une bouteille de vin ou quelque calebassée de dolo, des hectares ont été définitivement cédés sans le savoir. Ce qui n’est pas sans conséquence. Rappelons-nous que dans beaucoup de localités la terre ne se vend pas, elle se prête pour exploitation. Sur le plan coutumier, c’est un permis d’occuper considérer précaire et révocable sans indemnisation. Alors que l’agro -businessman en venant, a un autre projet dans la tête, celui d’être propriétaire de la terre. Des vastes superficies sont ainsi délimitées et le titre de propriétés demandé et obtenu à l’insu des propriétaires terriens. Et c’est au moment où ces derniers ou leurs ayants droit font vouloir entrer en possession de leur terre prêtée qu’ils vont se rendre compte que la terre ne les appartient plus, l’agro-businessman ayant déjà son titre de propriété. Pour que cette situation soit profitable aux terriens, il faut que les propriétaires puissent disposer de titre d’occupation de leurs terres. Ce qui leur permettra de discuter avec les agrobusiness dans un partenariat gagnant-gagnant. A cet effet, les mécanismes des attestations de possessions foncières rurales ont été prévues par la loi. Il s’agit par la suite de doter les mairies de services fonciers ruraux qui vont se charger de délivrer à moindre coûts les attestations aux villageois. Le projet MCA a fortement contribué à équiper quelques mairies à dans sa phase pilote. Le projet a pris fin, l’Etat devrait poursuivre pour rendre les autres mairies opérationnelles à délivrer les attestations de possessions foncières rurales qui valent des titres de jouissance.

Avez-vous un appel lancer ?

A l’analyse de la situation nationale, je pense que les questions foncières ne sont pas étrangères à cette crise sécuritaire que nous vivons. Les conflits fonciers impactent sur notre cohésion sociale et notre mieux vivre ensemble. Combien de milliers d’hectares sont inexploitables aujourd’hui du fait de l’insécurité.  Travaillons à privilégier le dialogue et la transparence dans la gestion du foncier pour éviter les conflits fonciers source d’insécurité. Travaillons à ce que nos villes et campagnes soient uniformément mises en valeur sans autres considération que celles fondées sur l’intérêt général. Travaillons à la répartition juste et équitable de nos richesses issues de l’exploitation de nos terres des villes et campagnes. Cette terre est notre patrimoine commun à tous, elle a été disponible pour les anciennes générations qui l’ont exploitées, c’est notre tour en tant génération actuelle de l’exploiter, et c’est de notre responsabilité de travailler à léguer aux futures générations une terre sans conflit, une terre de paix ou il fait bon vivre.

 

 

1 :  Selon Sibouré Guinko : 

 

2 : Pour le chef coutumier du village de Lergo : « Dans un village, les terres n’appartiennent ni aux chefs coutumiers, ni aux chefs de terre, elles appartiennent à des groupes de familles »,

 

 

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By Ib_Z

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