A la tête du pays depuis octobre 2022 à la suite d’un coup d’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré vient d’obtenir un nouveau mandat à la suite des assises tenues le 25 mai 2024 à Ouagadougou. Cette prolongation lui accorde cinq ans supplémentaires pour permettre à son équipe et à lui de mettre fin au terrorisme, de reconquérir l’intégrité du territoire, de ramener la paix et la cohésion au sein des populations, et de préparer des élections à venir. Ces actions nécessitent également le soutien des organisations de développement. À cet effet, nous avons rencontré Dakiri Sawadogo, président du conseil d’administration du ROJALNU Burkina, une organisation pour le développement. Selon lui, pour une bonne conduite de cette nouvelle transition, les acteurs doivent corriger les failles afin de redonner au Burkina Faso sa stabilité et sa sécurité d’antan. Il estime que le Burkina Faso fait face à un moment historique nécessitant l’union sacrée de tous les Burkinabè autour de ces enjeux. Concernant le rôle que peuvent jouer les organisations de développement en termes d’accompagnement, Dakiri Sawadogo est clair : elles ont « une vision d’appui et d’accompagnement à travers des programmes de développement, des initiatives éducatives pour les jeunes, des services de conseil et la création d’opportunités. Il est également crucial qu’elles demeurent impartiales ». Au cours des échanges, nous avons également abordé la question du retrait du pays de la CEDEAO et la création de l’AES.
Le Quotidien : Quelle est l’actualité du Rojalnu-Afrique ?
Dakiri Sawadogo : L’actualité du réseau se situe également dans le renforcement de sa participation à l’éducation citoyenne et civique des jeunes. Elle inclut aussi la mise en œuvre de projets et programmes ambitieux dans divers domaines et secteurs, notamment dans les domaines agropastoraux et des micro-finances. Cet ensemble constitue l’actualité de Rojalnu Burkina Faso.
Dans un passé récent, l’organisation faisait face à un certain moment à une crise de direction. Qu’en est-il actuellement?
Aujourd’hui, nous pouvons dire Dieu merci, car cette situation est désormais derrière nous. Cependant, il est courant qu’une organisation rencontre de tels défis à un certain moment. Ces situations surviennent parce que l’organisation a atteint une notoriété qui la rend très convoitée. Il est évident que le Rojalnu est une institution solide qui a su, pendant plusieurs années, mobiliser la jeunesse et les leaders de tout le continent, que ce soit au plus haut niveau des États ou des institutions internationales. Il va sans dire qu’à un moment donné, cette situation est apparue en raison de convoitises qui ne cadraient pas avec la vision et les accords initiaux. Heureusement, la majorité des pays membres du Rojalnu, qui ont travaillé à faciliter la signature de l’accord de siège avec le gouvernement du Burkina Faso, sont restés fidèles à cette vision. Cela a conduit aujourd’hui à une reconnaissance définitive de l’institution. L’organisation est actuellement en train de mettre en place une nouvelle génération de dirigeants pour mener à bien sa vision initiale.
Comment l’association a-t-elle réussi à surmonter ces défis?
Nous profitons de l’occasion pour que cela serve de leçon aux plus jeunes. Il faut toujours rester dans le droit chemin. Il faut toujours avoir pour principe le respect de vos textes et le respect de votre vision de départ. Au niveau du Rojalnu, il était question dès le départ de fédérer l’énergie et l’intelligence de la jeunesse africaine afin de booster le développement et mettre la pression sur les États pour que les préoccupations, les aspirations et les besoins des jeunes soient pris en compte. Il s’agissait également de travailler pour que les pays dits riches respectent leurs engagements. Souvent, les engagements pris au niveau international ne sont pas suivis d’effet. Par exemple, les Objectifs du millénaire pour le développement ont connu un certain succès à un moment donné grâce à l’implication à tous les niveaux, notamment celle des jeunes. Nous avons gardé cette ligne et, lorsque certains ont voulu dévier de cette trajectoire, nous nous sommes référés aux fondements de l’institution pour nous propulser, tout en respectant les lois du pays siège, le Burkina Faso.
« Il est impératif que les citoyens comprennent que pour chaque mesure de sécurité mise en place, l’adversaire trouvera également des contournements »
Quel est, selon vous, l’alternative pour que d’autres organisations ne puissent pas se retrouver dans de telles situations ?
Il faut impérativement éviter les manipulations politiques. En réalité, cette convoitise entraîne de nombreuses ramifications. Cela fait que certains jeunes sont plus enclins à suivre les politiciens au détriment de leurs initiatives personnelles. Parfois, d’autres arrivent avec des projets politiques, mais sans vision claire, et espèrent que le reste suivra. Il ne faut pas laisser la politique s’immiscer dans les actions de développement ou les actions communautaires, car cela est à la base des crises dans les organisations. Au-delà de nos organisations, c’est ce qui a causé toutes les difficultés que nous connaissons aujourd’hui. Nous n’avons jamais cessé de le dire. Par exemple, lors de la création du premier bureau du Conseil national de la jeunesse, il y a eu une intervention politique pour écarter les leaders potentiels, ceux qui étaient les véritables choix des jeunes, et positionner d’autres jeunes. Cela a créé beaucoup de péripéties et a divisé les jeunes. Voilà pourquoi nous estimons aujourd’hui que la politique doit rester à sa place.
Quel est le rôle des organisations de développement dans la consolidation de la paix ?
Les organisations de développement doivent jouer un rôle central dans la consolidation de la paix. Elles doivent adopter une vision d’appui et d’accompagnement du pays à travers des programmes de développement, des initiatives éducatives pour les jeunes, des services de conseil et la création d’opportunités. Il est également crucial qu’elles demeurent impartiales. Cette approche ne peut devenir durable que si l’Etat lui-même évite toute politisation.
Quelles sont les principales priorités de Rojalnu pour les prochaines années ?
Le Burkina Faso fait face à une crise sécuritaire majeure. Pour répondre à cette situation, les principales priorités de Rojalnu Burkina sont d’apporter sa contribution à la réussite de la transition, de consolider la sécurité au Burkina, et de faciliter la sortie de la transition vers une situation où le pays pourra amorcer un processus de construction. Pour atteindre ces objectifs, il est essentiel de collaborer avec les organisations de la société civile, notamment les organisations de développement, qui doivent, dès maintenant, commencer à élaborer des programmes et des projets de soutien et de conseil. Ces initiatives doivent aussi inclure des programmes formels de soutien aux jeunes, ainsi que la création de nouvelles opportunités pour eux. Il est important que ces organisations travaillent en synergie avec les autorités pour que la transition soit accompagnée de programmes viables à tous les niveaux. Si cette transition est bien négociée, il faudra également œuvrer à la consolidation de la paix. La paix implique une entente entre les peuples et un Etat responsable, avec une vision holistique et non partisane de la nation. Cet Etat doit favoriser le dialogue entre les différentes populations et ethnies, de sorte qu’au Burkina Faso, l’identité burkinabè prime sur les identités ethniques. Ce sont des domaines sur lesquels Rojalnu Burkina va concentrer ses efforts. Nous sommes déjà en réflexion avec les acteurs du développement pour formuler prochainement des propositions concrètes. Nous avons la chance d’avoir un gouvernement actuellement qui comprend que tout ce qui est légal et juste doit être soutenu. Nous espérons que, lorsqu’un gouvernement élu sera en place au terme de cette transition de cinq ans, il continuera à partager cette même vision.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes organisations de développement souhaitant s’impliquer dans la consolidation de la paix ?
Nous allons leur dire très franchement que les problèmes d’un pays proviennent des organisations. C’est au sein de ces structures que le dialogue et les discussions ont lieu. Il est primordial que ces organisations se responsabilisent et agissent pour gérer les situations dès leur apparition au sein de la communauté. Le rôle des organisations inclut également l’anticipation et l’interpellation. En parallèle, il est essentiel d’avoir des dirigeants capables d’écouter, de peser les pour et les contre, d’analyser les situations et de prendre des décisions constructives.
« Les politiciens doivent comprendre que diriger un pays n’est pas une question de club,
mais plutôt une question de vision. »
Comment décririez-vous la situation actuelle du Burkina Faso en termes de développement socio-économique?
La situation actuelle du Burkina Faso fait partie du processus normal de construction d’un Etat fort et solide. Les grandes puissances ont également traversé ces périodes. Que le Burkina soit à ce stade, je dirais que c’est un exploit. Maintenant, il faut avoir assez de patience, de vision et de compréhension de la situation pour éviter de trébucher et de ne pas exploiter négativement cette période. Cette période doit nous permettre de nous refonder et d’exister en tant qu’entité, en tant que pays souverain et solide, capable de dialoguer avec les autres nations d’égal à égal, dans un esprit de réciprocité avantageuse. C’est pourquoi nous pensons et croyons que le Burkina est sur la bonne voie. Il faut simplement se donner la main, s’écouter mutuellement et être ouverts aux idées qui peuvent nous aider à avancer dans la bonne direction.
Quelle évaluation pouvez-vous faire de la situation sécuritaire du pays ?
Je voudrais rendre hommage à la mémoire de tous nos compatriotes qui ont perdu la vie. Je tiens également à exprimer mes encouragements et ma solidarité envers toutes les populations qui ont dû abandonner leurs villages, leurs hameaux, leurs familles et leurs activités. Souvent, elles ont perdu leur dignité et se retrouvent dans des environnements qui ne leur permettent pas de s’exprimer dignement ou de vivre en tant que Burkinabè sur leur propre sol. Je tiens également à remercier toutes nos forces de l’ordre qui, nuit et jour, veillent pour que la paix revienne. Aujourd’hui, au regard de ce qui se passe, nous pouvons constater qu’il y a des améliorations et de nombreux motifs de satisfaction, bien qu’il reste encore beaucoup d’efforts à fournir de part et d’autre. Autant le pays s’arme pour faire face à l’hydre terroriste, autant le peuple doit avoir une vision commune, car il est aussi de notre responsabilité collective de ne pas laisser cette situation perduré. Aujourd’hui, des efforts sont faits et cela doit être encouragé. Là où il y a des difficultés, il faut faire des propositions concrètes aux dirigeants afin qu’ils puissent analyser et prendre en compte les aspects sur lesquels ils n’ont pas encore agi. Ce n’est pas le moment de se diviser ni de se quereller. C’est le moment de l’unité, de la solidarité et de l’action concertée.
Un commentaire sur les 19 mois de gestion de la transition ?
Je dirais que la gestion de cette situation est, à mon sens, appréciable pour plusieurs raisons. Sur le plan militaire, bien que nous ne soyons pas des professionnels, nous constatons de nombreux progrès dans le recrutement du personnel. En termes d’équipement, des avancées significatives sont également observées. De plus, la création d’unités dans les différentes régions permet de mieux quadriller le pays. Par exemple, les Bataillons d’intervention rapide sont désormais présents un peu partout. Sur le plan psychosociologique, un sentiment d’estime de soi se développe chez chaque Burkinabè, grâce à un éveil de conscience. Cette estime de soi est favorisée par une gouvernance responsable, avec des autorités qui assument pleinement leurs actions. Dans le domaine agricole, l’initiative agropastorale visant à atteindre l’autosuffisance alimentaire est notable. Je crois que si nous continuons sur cette lancée, il est certain que d’ici un à deux ans, sans risque de me tromper, le Burkina Faso sera autosuffisant sur le plan alimentaire. Enfin, dans le domaine de la santé, des actions significatives ont été menées, comme la réduction des coûts de certains examens.
Un commentaire sur l’issue des assises ?
A mon avis, il est clair que le peuple est souverain. Il n’existe pas de démocratie parfaite, pas plus qu’il n’y a de système de gouvernance parfait. Pour que cela fonctionne, nous devons nous inspirer de nos réalités. Je crois fermement que le Burkina est en train de définir sa propre approche démocratique. Le délai accordé à la transition, que ce soit lors de celle de 2014-2015 ou cette fois-ci, ne devrait pas être la priorité. La question primordiale devrait être : quelle est la situation actuelle à résoudre ? Lorsque nous avons la chance d’avoir une situation comme la nôtre et que nous bénéficions de l’adhésion de la masse populaire pour la résoudre, nous devons agir. Je suis convaincu que les Burkinabè doivent permettre au président d’avoir toute la latitude nécessaire pour résoudre cette crise de manière définitive et pour construire un modèle de démocratie à la burkinabè. Ces réunions ont donc été l’occasion pour la population de réaffirmer ses attentes. Pour nous, les cinq années accordées ne sont pas surprenantes, car cette possibilité était déjà évoquée dans les discussions. Nous pensons que, dans l’ensemble, ce qui importe le plus, c’est la sécurité du pays. Nous devons travailler à la rétablir, à favoriser l’unité et la concorde, car c’est le seul moyen pour le Burkina de se réunir en tant qu’entité. Cette approche peut ne pas être approuvée ou comprise par tous, mais pour moi, elle est pleine de sens. Cela permettra aux politiciens de comprendre que diriger un pays n’est pas une question de club, mais plutôt une question de vision. Nous devons travailler dans l’intérêt du peuple. Que cela soit accepté ou non, nous n’avons que rarement vu des dirigeants aussi soutenus. En tant qu’acteurs du développement, nous souhaitons que nos dirigeants s’inspirent des enseignements de nos ancêtres pour agir dans le bon sens afin de ramener la paix au Burkina Faso. Nous pensons que lorsque cette question sera résolue, il ne faut pas se leurrer en pensant que tout est sécurisé. Nous devons organiser des élections. Une fois la question de sécurité réglée, nous estimons qu’il est essentiel de discuter ensemble pour trouver la meilleure formule pour les institutions. Mais avant cela, il y a des questions sensibles à aborder, telles que la sécurité alimentaire et le coût de la vie. Ces problèmes doivent être traités en harmonie avec les populations. Je tiens également à souligner l’importance du logement. Nous devons nous efforcer à ce que chaque Burkinabè remplissant les conditions requises puisse accéder à un logement dans des conditions optimales. Nous devons agir maintenant pour éviter de devoir revenir sur ces questions dans cinq ans, avec d’autres dirigeants qui pourraient ne pas pouvoir les résoudre. C’est l’occasion, selon moi, de régler ces problèmes. Il est également crucial que nos dirigeants restent des hommes de vérité. C’est la seule voie pour permettre au Burkina de progresser.
« Le délai accordé à la transition, que ce soit lors de celle de 2014-2015 ou cette fois-ci,
ne devrait pas être la priorité ».
Vous êtes donc de ceux-là qui pensent qu’on aurait pu donner au capitaine Traoré, 10 ans ?
Je ne prétends pas nécessairement qu’une période de 10 ans aurait été idéale, mais je soutiens qu’il est important de permettre l’élaboration d’un plan conforme à nos attentes, axé sur le rétablissement de la sécurité. Il est impératif que les citoyens comprennent que pour chaque mesure de sécurité mise en place, l’adversaire trouvera également des contournements. Ainsi, la durée de 10 ans ou 15 ans ne constitue pas ma principale préoccupation. Ce qui importe, c’est que nos dirigeants travaillent efficacement à restaurer la paix. Si nous percevons un tel engagement, nous devons leur accorder le temps nécessaire pour y parvenir. Cependant, il est important de souligner que le simple retour à la paix ne suffit pas. Avant d’envisager des élections, il est primordial de consolider cette paix et d’adopter des mesures pour prévenir son éventuel retour. Avec la réapparition de la paix, il est indispensable de consacrer du temps à la réconciliation des cœurs et à la mise en place d’un modèle démocratique en harmonie avec nos valeurs fondamentales. Et tout cela demande du temps.
Des partis politiques n’ont pas pris part la rencontre du fait de la suspension des activités des partis politiques. Êtes-vous de leurs avis?
Face à la situation nationale actuelle, il est important d’être franc : il est temps de dépasser les clivages politiques. Ce qui prime désormais, c’est notre capacité à nous unir pour assurer la sécurité de tous. Les partis politiques devraient concentrer leurs efforts sur des actions concrètes, afin de pouvoir présenter un bilan solide lors des prochaines élections, montrant ainsi ce qu’ils ont accompli en période de crise. C’est là que réside leur véritable crédibilité, plutôt que de chercher à consolider leurs positions politiques sans tenir compte de la réalité. Il est essentiel de reconnaître que nous ne sommes pas dans une situation où tout va bien. Soyons honnêtes à ce sujet.
Quelles sont les attentes des organisations de développement
Pour une transition harmonieuse, les organisations de développement souhaitent être consultées par le gouvernement dans la mesure du possible, et favoriser une collaboration étroite entre les deux entités. En tant qu’acteurs proches des populations et des communautés de base, ces organisations détiennent des informations précieuses et peuvent proposer des solutions pertinentes. Il revient donc à l’Etat de mettre en place un cadre propice pour exploiter au mieux les compétences et les ressources des acteurs du développement. Il est important de noter qu’aucune organisation de développement ne naît dans l’intention de s’opposer au gouvernement. Leur rôle consiste plutôt à soutenir les politiques publiques de développement en veillant à ce que l’Etat, ainsi que d’autres parties prenantes, respectent leurs engagements nationaux et internationaux en matière de développement.
Quelle est votre lecture des réquisitions opérées sous la transition ?
En tant que citoyens, nous sommes conscients de notre devoir envers l’Etat, et la loi sur la réquisition existe pour mobiliser nos ressources lorsque cela est nécessaire. Bien que nous ne sachions pas quand notre contribution sera requise, nous devrons tous être prêts à répondre à cet appel. Dans une situation contraignante comme celle-ci, il est impératif d’agir et de soutenir l’Etat. Si les autorités estiment qu’une personne peut apporter une contribution spécifique, il est de notre devoir de répondre à cette demande sans hésitation. Il est crucial de ne pas manifester une opposition ou de perturber le fonctionnement du pays dans sa quête de sécurité. Nos traditions nous enseignent que critiquer ou dénigrer notre propre communauté est contre-productif. Malgré les avis divergents, il est important de comprendre que les mesures prises ne sont pas des punitions, mais des actions nécessaires pour le bien commun. Nous devons reconnaître que tout comme l’Etat nous accorde des droits, nous avons également des devoirs envers lui. En tant que membres de la société, il est de notre responsabilité de soutenir nos institutions et de contribuer à leur fonctionnement.
« Autant le pays s’arme pour faire face à l’hydre terroriste, autant le peuple doit avoir une vision commune »
Lors d’une de vos sorties vous avez dit ceci : « La politisation de l’administration et des organisations de développement a mis à mal notre cohésion sociale ». Que vouliez-vous dire concrètement à travers cela ?
De nombreux leaders et organisations de développement ont été malmenés dans ce pays. Cela signifie que souvent, lorsque vous n’êtes pas affilié au parti au pouvoir, vous rencontrez de nombreux obstacles pour vous exprimer. Même lorsque rien ne justifie une mesure contre vous, des problèmes vous sont créés. C’est une situation malheureuse qui souligne la nécessité de dépolitiser l’administration et les organisations de développement afin de préserver notre cohésion sociale et d’éviter les injustices.
Quelles est votre opinion sur le retrait du Burkina, du Mali et du Niger de la CEDEAO et la création de l’EAS ?
Nous faisions partie des premiers à alerter la CEDEAO sur la nécessité d’être avant tout une CEDEAO des peuples, et de faire preuve de vigilance dans ses approches. Malheureusement, nos interventions n’ont pas été prises en compte. Ce que nous avions prédit par le passé se concrétise aujourd’hui. La création de l’AES est une étape naturelle, car la CEDEAO s’est dérogée à sa mission de résoudre les problèmes profonds auxquels font face les populations de son espace. Le plus préoccupant est que, alors que les pays du Sahel sont confrontés à l’insécurité due au terrorisme, la CEDEAO reste étrangement silencieuse. C’est lorsque les citoyens décident de prendre en main leur destinée pour trouver des solutions à ces crises que la CEDEAO et ses présidents estiment cela anormal. Cela est véritablement irritant. La CEDEAO est un outil formidable, mais elle doit se redéfinir et revoir son approche avec ses Etats membres.
« La situation actuelle du Burkina Faso fait partie du processus normal de construction d’un Etat fort et solide »
Etes-vous d’avis pour le retour des pays de l’AES dans la CEDEAO ?
Comme je le disais précédemment, si la CEDEAO prend en compte les aspirations des peuples du Sahel et les intègre, c’est une bonne chose. Si ce n’est pas le cas, tant pis. En tout état de cause, que ce soit par leur réintégration ou non, cela n’empêchera pas l’existence de l’AES. Cette organisation continuera à fonctionner en tant qu’entité sous-régionale composée de trois pays. Les deux initiatives peuvent coexister. Ce qui importe vraiment, c’est de trouver des réponses adaptées lorsque l’on participe à une organisation communautaire.
Avez-vous quelque chose à dire pour clore cet entretien ?
Je tiens à exprimer ma gratitude envers la grande famille de la presse burkinabè qui, dans l’ensemble, a fait preuve de responsabilité face à la situation que nous traversons. Jusqu’à présent, nous n’avons pas connu les dérapages que d’autres pays ont subis, débouchant sur des situations tragiques. Au Burkina, un équilibre subsiste. Nous sommes en état de guerre, que nous l’admettions ou non, et cela demande une approche différente de celle d’un pays en temps de paix. Je tiens à saluer le peuple burkinabè qui, de manière unie, comprend que personne d’autre ne viendra nous libérer à notre place. C’est ensemble, avec une union sacrée, que nous parviendrons à garantir la sécurité et la stabilité de notre pays. Par la paix, nous pourrons alors réfléchir à notre développement, réformer notre démocratie et rendre le Burkina encore plus fier de lui-même. Que Dieu guide nos dirigeants vers les bonnes décisions, qu’ils agissent dans l’intérêt du peuple au bon moment, et que jamais ils ne dévient du chemin choisi par le peuple.