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Pression sur les vrais triturateurs
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A peine 1/3 des unités ont effectivement trituré entre 2018 et 2021
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Les autres achètent et vendent une bonne partie
Cette année, la gestion du stock de graines de coton pour les triturateurs s’annonçait difficile, en raison de la campagne cotonnière qui n’a pas tenu toutes ses promesses.
En effet, la production a connu une baisse de près de 7% se situant autour de 480 000 tonnes. Cette production égrenée dans les usines de sociétés cotonnières sert de matières premières aux usines de production d’huile alimentaire et de tourteaux pour l’alimentation du bétail.
Dans nos colonnes, M. Warma, un des responsables de la première huilerie du Faso (SN Citec), s’est inquiété du fait que cette année, ils n’auront qu’un disponible de 40.000 tonnes de graines de coton à triturer. Ce volume représente un tiers des capacités de l’usine estimées à 120.000 tonnes. Toute chose qui faisait craindre un chômage technique si une alternative n’est pas trouvée. Aux dernières nouvelles, la Société n’aura qu’un disponible de 33.000 tonnes auprès de la Sofitex, soit un quart de ses besoins.
« Si vous n’avez pas assez de graines de coton, cela va jouer également sur l’huile et les coproduits que nous avons comme le tourteau. La savonnerie est moins affectée, parce que c’est une unité totalement indépendante, mais au niveau par exemple des chaudières, nous prenons la coque de la graine que nous brûlons pour produire de l’énergie. Pour ce qui est du chiffre d’affaires de l’huilerie, naturellement, ça va impacter, il faut s’attendre pratiquement à 60% de recettes en moins que les années antérieures ».
En fait, la gestion de la graine de coton destinée aux huileries est problématique. Elle le sera encore plus cette année, avec cette pénurie annoncée au vu des pratiques déjà dénoncées dans un rapport du ministère en charge du commerce, qui fait suite à deux ateliers organisés par le Programme d’appui à la compétitivité en Afrique de l’Ouest, volet Burkina Faso.
Ces deux ateliers sur le secteur huilier ont porté sur l’approvisionnement des huileries en matières premières, en mai et en septembre 2021, à Bobo-Dioulasso, afin de se pencher sur « l’épineuse préoccupation liée à la spéculation qui se fait autour de la graine de coton, plombant ainsi la compétitivité du secteur ». Le groupe de travail chargé de l’identification des huileries triturant la graine de coton mis en place par le département du commerce avait pour mission, après enquête, de proposer des mesures d’assainissement et de faire le point sur les huileries qui triturent effectivement la graine de coton, en vue de mettre un terme à la spéculation dont fait l’objet cette graine. Et les résultats sont édifiants. Ils sont nombreux à acheter et vendre de la graine de coton sous le couvert d’unités de transformation d’huile, toutes choses qui plombent les activités des triturateurs nets.
Que dit le rapport. Pour triturer la graine de coton, il faut être installé en zone industrielle, obtenir une autorisation de production et enfin, obtenir le dernier sésame, l’autorisation de mise à la consommation. Celle-ci est renouvelable tous les ans. Dans l’écosystème des huileries, ont été répertoriées 85 unités de transformation, 60 ont pu être visitées mais les données n’ont pu être récoltées qu’auprès de 53 unités. L’enquête qui a rendu ses résultats, en juin 2021, établit que sur les 53 unités, 44 étaient à jour d’un point de vue de la règlementation et pouvaient ainsi prétendre à la répartition de la graine de coton pour la campagne de transformation de 2022.
Une fois le verrou de l’accès à l’approvisionnement levé, que font effectivement les bénéficiaires de la graine de coton ? Les conclusions du groupe de travail permettent d’indexer des huileries sur lesquelles pèsent des soupçons de spéculations.
Voici les catégories qui ont été identifiées par les experts sur la base des données récoltées auprès des sociétés cotonnières, des groupements d’huiliers et en analysant les factures d’électricité des unités de production :
-les « triturateurs » de graine : ce sont les huileries qui triturent la totalité de graine mise à leur disposition par les groupements ou les sociétés cotonnières ;
-les « triturateurs-acheteurs » de graine : ce sont les huileries qui, en plus de la dotation de graine obtenue de leurs groupements, importent ou achètent des quantités supplémentaires de graine auprès d’autres acteurs membres ou non de groupements ou auprès des sociétés cotonnières à des fins de trituration ;
-les « acheteurs-vendeurs » de graine : ce sont les huileries qui importent ou achètent des quantités supplémentaires de graine de coton auprès d’autres acteurs membres ou non de groupements ou auprès des sociétés cotonnières puis revendent par la suite une certaine quantité et triturent la quantité restante ;
-les « vendeurs » de graine : ce sont les huileries qui revendent une partie ou la totalité de la dotation de graine reçue de leurs groupements ou auprès des sociétés cotonnières ».
Le groupe de travail a exploité les données sur trois campagnes, 2018/2019, 2019/2020 et 2020/2021. De ses analyses, le groupe de travail a fait ressortir que seulement deux entreprises ont effectivement trituré la graine de coton sur les 3 campagnes. Il s’agit de SN Citec et de Yedan (voir extrait du rapport du groupe de travail).
Il ressort que seulement 25% des uni- tés de transformation ont effectivement trituré en 2018/2019, contre 13% des unités enquêtées en 2019/2020 et 32% en 2020/2021. Cela veut dire que deux tiers des unités ne fonctionnent pas normalement, mais ont de la graine de coton qu’ils revendent à ceux qui fonctionnent effectivement et qui sont des acheteurs potentiels pour compléter leurs stocks et pouvoir fonctionner normalement.
Quelles solutions ?
Des acteurs de l’écosystème préconisent de revoir la clé de répartition de la graine de coton. Servir effectivement ceux qui sont à jour d’un point de vue règlementaire et administratif. L’intensification des contrôles devrait permettre de débusquer ceux qui ont les papiers à jour mais au cours de la campagne, ne transforment pas. Il y a aussi les enlèvements au niveau de sociétés cotonnières fournisseurs de la graine de coton, une application stricte des règles de vente pourrait assainir la gestion de la graine de coton. D’autre part, il faudrait surveiller le nombre d’unités qui se créent, alors que le marché de la graine de coton n’est pas aussi élastique pour servir tous les demandeurs. C’est cela aussi qui accentue la spéculation, toute chose qui va menacer la viabilité et la rentabilité des unités.
Source : L’Economiste du Faso